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« Il ne faudra pas pleurer !» nous a-t-elle dit.
Nous y voilà, aujourd'hui, dans cette remarquable église romane de Rouy, mémoire de biens des événements familiaux, d'ailleurs plus souvent heureux que regrettables.
LUCIENNE y fut baptisée, y fit sa communion solennelle et, comme quelques-unes de ses cousines et cousins s'y maria dans l'immédiat après-guerre, avec son voisin de village GUY.
Cette église c'est un peu une affaire de famille aussi.
Juste en face se tient depuis quelques générations la Maison VERAT, où hier encore, Yvon exerçait son commerce de tissus et confection.
Dans cette église, le jeune Yvon participa aux Services de la messe, comme plus tard le feront ses deux fils et ses neveux POUVALOUR.
Ici se sont déroulés des baptêmes, des communions, des mariages, sans oublier la fin du parcours terrestre, dont nul, tôt ou tard, ne possède le pouvoir de se soustraire, qu'il soit bon ou moins bon catholique.
Rouy, son église et, en traversant la route, sur la droite à l'angle, le magasin de tissus-confection Vérat
LUCIENNE, fille unique de Lucien et Jeanne BOISEAU est née à Rouy le 2 juin 1924, sans doute à cause d’une santé fragile, elle fut particulièrement choyée et, tout comme Guy son mari, elle passa sa tendre enfance à Rouy.
A la Communale, sa tante Alice, institutrice au village, contribua à ses premiers apprentissages, c’était une élève éveillée et très appliquée qui apprenait correctement ses leçons.
Vers la fin des années trente, son père, Lucien, qui travaillait en compagnie de Louis PERRIN comme mécanicien dans le bourg décida de partir pour la région parisienne, afin d’y exercer le métier de chauffeur-livreur chez Desmarais-Frères, premier grand pétrolier français qui deviendra par la suite le groupe TOTAL.
La famille BOISEAU s’installa donc en région parisienne à Alforville, précisément rue Véron, et c’est tout près de chez elle, aux Cours Pigier, que Lucienne terminera son cursus scolaire.
LUCIENNE était une très jolie jeune-fille, brune, menue et des plus coquette, toujours parfaitement apprêtée ; elle travailla durant l’Occupation comme Perforeuse-Mécanographe, d’abord au Comité Général d'Organisation des Industries Mécaniques avenue Hoche, puis, toujours dans ces beaux quartiers, à la Compagnie IBM place Vendôme.
Tout juste après la Libération, à la sortie des bureaux de la prestigieuse place, ses cousins germains Roland et Raymond BAILLET, jeunes Lieutenants de l’Armée de l’Air et de la Marine, venaient parfois l’attendre en uniforme. Bien entendu, ces jeunes militaires ne manquaient pas d’attirer attention et commentaires de la part des collègues féminines.
Et Lucienne s'en amusait avec une certaine fierté !
Mais depuis quelques temps déjà, Lucienne fréquentait régulièrement Guy, le garçon de Rouy à peine plus âgé, qu’elle aura finalement toujours connu : de Rouy où ils sont nés en passant par la région parisienne où celui-ci terminait ses études d’ingénieur à l’Ecole Supérieure d’Electricité de Malakoff.
Cependant, même lorsque l’on travaille dans les quartiers bourgeois, que l’on est devenue une vraie citadine élégante, la vie reste une chose sérieuse et pour Lucienne pas question de connaître l’effervescence d’après-guerre, celle des caves de Saint-Germains-des-Prés par exemple.
D’ailleurs, en avait-elle même entendu parler à l'époque ?
Pour elle, comme pour la plupart des jeunes-filles d’alors, on quitte rarement son milieu et cet après-guerre sera ponctué par le mariage avec sa contribution à la génération du “Baby-boom” et des Trente Glorieuses.
Guy, Marc, Françoise et Aline
De l’union de Guy et Lucienne naîtront ainsi Aline en 1947, Françoise en 1949 et Marc en 1951.
Ensuite, comme on dit, Lucienne sera “Mère au foyer” mais avec une vie jalonnée, au gré des changements d’employeurs de son mari, par plusieurs déménagements : Montbéliard, Grenoble, Longueville, Evreux, Romilly et l’Argentine, tout un programme, toute une nouvelle organisation...
Mais la soixantaine venue, le point final sera marqué par un retour aux sources de la Nièvre, dans la grande maison de Coulanges, acquise par le couple dès le début des années soixante.
Lucienne terminera son parcours, pour reprendre son expression désabusée, dans la cellule 211 de la MAPAD, une institution pour personne dépendante située non loin de sa maison de Coulanges.
Ainsi va la vie ! Avec des moments émouvants ou joyeux, tristes ou drôles ; avec des instants démoralisants et d'autres qui sont au contraire porteurs d'espoir...
L'âge aidant, on évoque immanquablement le passé et Lucienne gardait curieusement le souvenir de sa jolie robe bleue d'enfant confectionnée par la « Reine », une habile couturière du faubourg de la Baratte à Nevers, qui habitait un petit pavillon loi Loucheur, comme il y en a tant dans ce quartier. Comme nous, Reine aimait les chats et nous donnait parfois d'adorables chatons.
Lucienne a 11 ans, sa jolie robe bleue vient d'être confectionnée par la « Reine »
LUCIENNE aimait bien parler du temps passé en Argentine. De ses visites au Pérou, en Bolivie, en compagnie du couple Gilbert et Andrée Clément, des amis de longue date, connus à la fin des années 40 dans la région de Montbéliard. De ses voyages, elle avait rapporté des photos avec les commentaires écrits au dos.
Ces temps derniers, toujours matérialiste, Lucienne évoquant sa maison, demandait si nous ne nous étions pas fâchés lors du partage du mobilier, si Geoffroy prenait bien soin de sa voiture, la conduisait avec prudence et si je n'avais pas oublié d'envoyer les chèques d'anniversaires de ses petits-enfants.
Ainsi va la vie, avec des souvenirs plus présents que d'autres, mais aussi avec la mort qui en fait partie !
D’ailleurs il arrivait à Lucienne, diminuée physiquement au soir de son existence et sans aucun doute également par dignité, de la réclamer assez souvent - comme une délivrance souhaitée : "et je vais enfin voir ce qu'il y a de l'autre côté..." Doléance qui se trouve en ce jour exaucée.
https://www.dansnoscoeurs.fr/lucienne-verat/2949172
LUCIENNE SERA INHUMÉE AVEC CÉRÉMONIE D'USAGE
EN L'EGLISE DE ROUY, LE LUNDI 3 FÉVRIER A 15 H
En août 1974, Lucienne et Guy visitent le Pérou et la Bolivie en compagnie du couple Clément